A la rencontre d’un art au service de l’intégration …
C’est avec un très grand plaisir que je vous transmets, en pièce jointe, un article rédigé par une spectatrice déficiente visuelle de Charleroi, Véronique Jacques.
Cet article est paru dans le numéro 125 (septembre 2019) de la revue « News » de l’association HVFE (Handicap Visuel Formation Emploi).
Véronique a rédigé cet article après avoir assisté à une de nos audiodescriptions à l’Eden de Charleroi et après avoir interviewé des spectateurs et une audiodescriptrice.
Un tout grand merci à elle pour ce beau retour qui nous conforte dans notre action !
Vous bénéficierez, par la même occasion, d’une recette de cake d’automne, qui figurait sur la dernière page de l’article de Véronique.
Nous sommes toujours à votre disposition pour écouter ou lire vos commentaires, réactions et suggestions.
Bonne lecture à tous et bon week end ensoleillé !
Fermez les yeux… fermez-les mieux !
Maintenant, imaginez-vous seul au théâtre… à l’opéra… ou, plus improbable encore, à un spectacle de magie ! Sans une aide extérieure, je vous défie d’y comprendre quelque chose.
Depuis un peu plus de cinq ans, le Centre culturel régional de Charleroi, plus connu sous le nom de « l’Eden », permet aux déficients visuels d’assister, chaque saison, à trois ou quatre spectacles audiodécrits. L’audiodescription y est assurée par Audioscenic.
Audioscenic qu’est-ce donc ?
Créée il y a pratiquement dix ans, l’asbl Audioscenic réalise, à Bruxelles et en Wallonie, des programmes culturels audiodécrits comportant des spectacles vivants, des films et reportages ainsi que des visites guidées de musées. L’association forme ses propres audiodescripteurs. De plus, elle milite pour que l’audiodescription soit reconnue comme un droit à l’accessibilité culturelle.
A qui s’adresse Audioscenic ?
Les audiodescriptions d’Audioscenic s’adressent aux personnes qui souffrent d’un déficit total ou partiel de la vue et leur permet de partager avec l’ensemble du public, et sans décalages, les mêmes émotions artistiques. L’asbl fournit sur place un petit récepteur muni d’écouteurs. Accompagnants et chiens guides sont naturellement les bienvenus.
La photo ci-contre tirée du site Internet d’Audioscenic montre en avant-plan une paire d’écouteurs reliée au petit récepteur et en arrière-plan, une salle de spectacle comprenant un gradin de fauteuils rouge vif et une scène vide illuminée par deux faisceaux lumineux.
Comment cela se passe-t-il ?
Laissez-moi vous décrire ici le déroulement de cette belle expérience vécue en groupe… Environ une demi-heure avant le début du spectacle, nous sommes chaleureusement accueillis par les équipes de l’Eden et d’Audioscenic. Après un petit passage à la caisse, nous sommes gentiment guidés jusqu’à notre place réservée. Honneur aux chiens guides et à leurs maitres : ils sont prioritaires pour le premier rang ! C’est avec un casque sur nos oreilles et le bouton du volume du récepteur entre le pouce et l’index que nous sommes fins prêts pour écouter l’audiodescripteur : présentation générale de l’oeuvre, descriptions de la scène, du décor, du caractère des personnages … bref, tout nous est transmis pour que nous puissions suivre au même titre que le public qui entrera bientôt. Tout au long du spectacle, le traducteur d’images décrit les actions, les mouvements, les expressions, les changements de décors ou encore de costumes pendant les pauses de dialogue. Même si un spectacle vivant n’est pas à l’abri d’une réinterprétation, le traducteur d’images n’a pas droit à l’improvisation. Il doit au préalable se familiariser avec le spectacle en assistant aux répétitions générales, en visionnant l’enregistrement, en prenant connaissance du texte et en étudiant les intentions de la mise en scène. Tout cela nécessite au moins une trentaine d’heures de préparation par spectacle. Carine Lorent, audiodescriptrice chez Audioscenic depuis 2008 parle de son art en ces termes : « Une audiodescription mal préparée peut s’avérer imprécise et réductrice. Une méthode rigoureuse s’impose. La traduction d’images est une discipline artistique qui requiert des compétences théâtrales, linguistiques et relationnelles. Il n’est pas nécessaire de tout décrire. Nos interventions se veulent non
intrusives. Le traducteur d’images a pour mission de faire ressentir au spectateur aveugle les
mêmes émotions et sensations au même moment que le spectateur voyant. Il faut donc se
garder de projeter ses propres émotions. Il fait passer le message visuel à travers les mots
qui créent des images. L’audiodescription est un véritable travail de l’ombre. Tout l’art est de
se faire oublier. Comme pour un éclairage ou une mise en scène réussis, on ne les remarque pas. On en ressent seulement les effets… »
La photo ci-contre, tirée de la Newsletter n°31 d’Audioscenic, représente deux audiodescriptrices de dos, assises devant leur écran, casque émetteur sur les oreilles dans un local insonorisé. Elles sont toutes deux vêtues de leurs sweatshirts à l’effigie de l’asbl. L’une travaille avec son portable, l’autre avec une version papier. A chacun son style !
Ce que les participants en pensent…
Fidèle participant depuis le début de l’aventure à l’Eden de Charleroi, monsieur Rosart est intimement lié au succès des spectacles qui y sont audiodécrits. C’est en effet lui qui en assure la communication auprès de différents clubs de lecture et de son large réseau de connaissances atteintes d’un handicap visuel. Lors d’un agréable entretien, monsieur Rosart et son épouse confient que ces soirées culturelles sont aussi l’occasion d’organiser une belle tablée à la brasserie de l’Eden avant le début du spectacle et de débriefer après devant un petit verre. Ils apprécient tout particulièrement que les équipes de l’Eden et d’Audioscenic soient toujours à l’écoute et avides de commentaires après chaque spectacle. Madame Rosart se souvient que lors d’une pièce, la comédienne a raccourci son lancer de miettes de galettes fraichement cuites pour ne pas trop allécher tous les chiens guides !
Un spectateur bruxellois déclare : « Une fois de plus, remercions Robert De Ridder alias Bob capable de haute voltige avec ses dizaines de mètres de câble se jouant de tous les obstacles pour nous assurer le confort d’écoute. »
Personnellement, en tant que malvoyante, l’audiodescription m’apporte non seulement un confort visuel en me permettant de mieux diriger mes yeux et de reposer régulièrement ma vue. Mais elle rafraichit aussi ma mémoire et nourrit mon imagination. Tous mes plus vifs remerciements à tous les acteurs de ces belles soirées passées et toutes celles à venir ! Juste un petit bémol : la difficulté de s’y rendre en raison du manque de moyen de transport adapté dans la région de Charleroi pour le retour à domicile…
Ce qu’Audioscenic propose à l’Eden de Charleroi pour la saison 2019 - 2020…
- Le jeudi 24 octobre 2019 à 20h : « Sabordage » ou l’histoire de Nauru, petit paradis terrestre qui, en quelques décennies, connaitra un véritable miracle économique et terminera en désastre écologique. Et si cette histoire était celle de notre planète ?
- Spectacle de Nicolas Ancion et du Collectif Mensuel qui ne manquera pas d’aborder la thématique avec une bonne dose d’humour et une débauche d’énergie !
- Le jeudi 28 novembre 2019 à 20h : « Frederic »
- Le jeudi 10 janvier 2020 à 20h : « L’herbe de l’oubli »
- Le jeudi 19 mars 2020 à 20h : « Hamlet »
Pour connaitre l’entièreté du programme de la saison 2019 - 2020 ou pour plus de
renseignements, contactez Audioscenic par téléphone au 0470 67 97 20 ou par mail
Véronique J.
Stagiaire
Source: NEWS n° 125 - HVFE ASBL - Septembre 2019